Paul

Paul revendiquait une approche perpendiculaire qu'il adoptait pour traiter de tout. Au point que cette attitude, s'il avait été plus jeune, aurait pu passer pour insolente, car il ne freinait pas sa démarche jusqu'à sembler parfois iconoclaste.
Peu motivé par les apprentissages scolaires, j'allais être un élève moyen. Je n'avais probablement pas grand-chose à prouver, du moins, je le pensais. La foi que j'avais en mes origines me suffisait pour penser qu'en étant le fils de mes parents, si ressemblant, j'étais voué à un avenir inéluctable, rectiligne, sans faille, allant vers un destin heureux comme l'était ma famille.
J'étais inscrit à "Guez-de-Balzac", pour une deuxième cinquième. L'excellence de mes origines n'avait pas suffi à combler les efforts attendus. Un peu humilié, ce redoublement m'ayant été bien vendu, au bénéfice d'une délocalisation, je redonnais une virginité à ma scolarité. L'adversité me faisait démonstration pour la première fois qu'elle peut être source de stimulation.
… la douche écossaise culturelle que je m’étais imposée, de la rigueur guindée de Saumur à cette sauvage Amérique, contribuait à forger mon jugement et mes valeurs.
Mes spéculations allaient jusqu'à vieillir les traits de mes conquêtes à venir pour éprouver si leur physique, en prenant de l'âge, correspondrait encore à mes canons d'alors. Plus ardu encore, mon imagination devait envisager ce qu'il adviendrait de la personnalité de l'élue, à l'épreuve de la vie. Comment se forgerait-elle au front du quotidien ? Et conséquemment, comment son physique, aussi attrayant à l'aube de sa vie, sculpterait une magnifique adulte, sous le ciseau de la maturité ?
Mes relations étaient brèves et discrètes, ne laissant pas trop d'ambiguïté à mes partenaires sur les suites à en attendre. Mais à la perception de mon entourage et surtout celle de ma mère, cette perspective de désert matrimonial laissait perplexe, au point que cette dernière envisageait avec inquiétude un vieux célibataire ou pire, une homosexualité discrète, dans une société encore trop obtuse pour m'en rendre la vie facile.
L'intensité des tâches au travers des défis que le couple s'imposait, additionnée de naissances, continuait d'éveiller chez Paul de nouvelles capacités à rester tenace face à une adversité, dont il était l'auteur pour une bonne part, ou qu'il avait accepté d'affronter pour une autre part. Ce qu'il avait signé un jour, il l'honorerait toujours. Il était viscéralement accroché au précepte du mariage qui s'engage "pour le meilleur comme pour le pire". Son subconscient s'était accommodé de la formule en étant toujours amoureux du meilleur, et affectueusement touché par le pire.
Aux côtés de Nathalie, il était comme galvanisé. Il voulait la protéger et il se sentait protégé par elle.